Extraits


Extrait 1
"Comment ai-je attrapé cette foutue maladie, pas lors d’un voyage vers un lointain pays, je n’aime ni l’avion ni les déplacements, et je sors rarement de chez moi au grand dam de ma tendre épouse. Ce doit être à l’hôpital, durant le dernier séminaire. J’exècre les séminaires. Les courbettes et les génuflexions. J’abomine les petits fours qu’ils servent entre deux discussions sur les coliques néphrétiques et la dyspepsie hyposthénique. Marre de ces pseudos docteurs ès guérison, de cette médecine incapable.
Je m’emporte. Comme toujours. Ce doit être un trop plein, je souffre assurément d’un trop plein de quelque chose. "


Extrait 2
"Je vais voir les étoiles. Ce ne sont, paraît-il, que de vulgaires cailloux remplis de gaz et qui ne sont pas du tout en forme d’étoile comme celles que dessine Nicolas sur la porte du réfrigérateur. Avec des branches auxquelles personne ne pourra jamais ni grimper ni se pendre. Je me demande qui a bien pu mettre une connerie pareille dans la tête de ce môme. Il faudrait être plus vigilant avec les enfants, plus ferme aussi. Je repense à la gifle administrée à Thomas. Ça m’a fait un bien fou, j’aurai du essayer avec Benjamin. Trois garçons. Trop jalouse, trop égoïste pour me donner une fille, pour supporter l’idée d’une rivale et l’accueillir sous son toit. Ma chère femme je te quitte sans regrets ni remords, je t’aime encore et Dieu seul sait pourquoi."


Extrait 3
"Je suis au centre d’une grosse rotonde dont la baie vitrée s’étend sur une partie du ciel. Spectacle hallucinant, indescriptible, gigantesque. J’embrasse l’immensité d’un seul regard, d’ici je vois la terre, c’est fou comme elle est minuscule. Alors c’est ça. La petite boule presque bleue qui tient dans la paume de ma main. Je pourrai la broyer d’une simple pression de phalange. Je pourrai la presser, la couper, l’ouvrir comme une orange, sans que quoi que ce soit autour n’en soit changé. Je la prends, hop je l’avale et personne ne sait que c’est moi qui l’ai mangée."


Extrait 4
"Un sifflement. Un vieil homme me salue. Sans un mot il entreprend de vider le contenu de sa charrette sur l’herbe haute du jardin. Du bois. Des scies. Un nombre infini d’ustensiles. Des sacs, des seaux, des pelles. Pour reconstruire.  Il désigne ma pauvre masure déglinguée. De quoi se mêle-t-il celui-là. Il ne s’imagine tout de même pas que je vais reconstruire de mes mains cette maudite baraque alors qu’une somme d’argent rondelette dort sur mon compte épargne depuis plus de vingt ans. Plus de banque. Pas d’argent. Je suis ruiné c’est impossible. Moi qui ai consacré toute mon existence à faire fructifier mes économies dans le banal espoir de me voir devenir riche, voilà tous mes efforts, toutes mes frustrations, réduits à néant. Personne n’a besoin d’argent. Et bien moi, moi j’en ai besoin de l’argent, j’aime l’argent. Passionnément. Qu’on me le donne alors si personne n’en veut plus."


Extrait 5
"J’ai un nouveau problème de voisinage. On m’insulte et je rétorque. Le rouquin sort furieux de n’avoir pas eu le dernier mot. Il part en fulminant et bute contre Juliette. Plusieurs soleils rouges déjà qu’elle souffre, et ostensiblement elle refuse qu’on appelle une charrue. Elle ne veut pas qu’on l’emmène à l’hôpital, c’est l’hôpital qui a tué son mari. L’hôpital n’a jamais fait de mal à personne, le rouquin le sait mieux que quiconque puisqu’il y travaille. Il va la guérir vite fait. C’est un expert. Et sous mes yeux révulsés d’horreur il entame un bouche à bouche ardant. Juliette se débat vainement quelques instants puis remet son sort entre les mains de Dieu. Le rouquin ne s’appelle pas Dieu, elle se trompe. Elle ne parle pas du rouquin mais de Notre Maître à tous. D’où vient cette voix, de ces arbustes. Depuis quand les buissons parlent-ils. Je plonge immédiatement à l’intérieur du bosquet et en sort un homme de petite taille, pas très beau. Qui est–il.  Un prophète. Je n’ai jamais commandé de prophète, que fait-il dans mon jardin. Il est de passage et il a entendu Juliette. Evidemment, avec les cris qu’elle pousse, toute la ville l’entend. Qu’est ce qu’il fait par ici. Des prophéties, forcément. Il peut me dire mon avenir si je le souhaite. Je hausse les épaules avec mépris. Mon avenir c’est demain. Demain et les autres jours. Et je sais très exactement ce que me réservent demain et les autres jours. La même chose qu’hier et les autres jours. Merci de ne pas nous importuner plus longtemps. "