"L’inspiration et l’imagination humaines sont sans limite, et suite au référendum où chacun a pu mettre en exergue toute la fantaisie et l’originalité de sa pensée, à l’unanimité, il a été décidé que notre vaisseau s’appellerait l’Odyssée."







Début du Roman ...

Je descends l’avenue de la Liberté pour la quatrième fois consécutive tout en fixant le sol de mes deux grands yeux creux. Cela doit bien faire une semaine que je n’ai pas dormi. A la cent quatre-vingt-cinquième dalle prendre à gauche en direction de la rue des Condamnés. Si je n’étais pas si sombre, je pense que j’aurais souri à ce coup du sort, ma maison est la troisième après le marronnier. Comment leur dire. Ma chère femme et mes trois beaux enfants je vais mourir. Rassurez-vous, pas tout de suite, il me reste encore quatre bons mois devant moi. L’hiver et le début du printemps. 
Comment ai-je attrapé cette foutue maladie, pas lors d’un voyage vers un lointain pays, je n’aime ni l’avion ni les déplacements, et je sors rarement de chez moi au grand dam de ma tendre épouse. Ce doit être à l’hôpital, durant le dernier séminaire. J’exècre les séminaires. Les courbettes et les génuflexions. J’abomine les petits fours qu’ils servent entre deux discussions sur les coliques néphrétiques et la dyspepsie hyposthénique. Marre de ces pseudos docteurs ès guérison, de cette médecine incapable. 
Je m’emporte. Comme toujours. Ce doit être un trop plein, je souffre assurément d’un trop plein de quelque chose.

Marcher sans but, errer comme un animal blessé à travers les rues de la ville. Respirer l’air frais de la nuit dure, tellement dure. Mes pas se succèdent à une cadence syncopée. Je ne contrôle plus mes jambes, je ne contrôle plus mon corps. Pourquoi me fait-il ça, à moi. Moi qui l’ai toujours respecté. Pas trop de viande rouge, un sucre seulement dans le café du matin. J’en ai vu défiler des corps malades et je les ai soignés comme j’ai pu mais pour le mien je ne peux rien.

La nuit se peuple d’insomniaques, un monde fou sillonne les trottoirs de cette rue. Spectres vomissants de malaises, ahuris, désœuvrés, déjà morts. Lesquels d’entre eux espèrent dans l’antichambre que l’on vienne les gracier, lesquels supplient que l’on vienne les chercher. Cent quatre-vingt-cinquième dalle déjà, le temps passe vite. Revenir sur mes pas et arpenter encore l’avenue de la Liberté. A la cinquième descente c’est sûr,  le courage ne me manquera pas.